La Jocaste d’Henry Bauchau, une femme d’ombre et de lumière
Abstract
La critique s’est principalement penchée sur les représentations d’Antigone et d’Œdipe dans le cycle thébain d’Henry Bauchau, laissant habituellement dans l’ombre le personnage de Jocaste. La reine imprègne toutefois profondément l’œuvre bauchalienne, et ce à travers plusieurs décennies. Le personnage connaît une évolution importante, et la Jocaste de La Reine en amont, qui ouvre à l’autonomie son fils unique, en lui imposant de se détacher d’elle, est très différente de l’héroïne des années 1980 et 1990. Mère aimante et aimée, la Jocaste de la maturité tardive ne parvient cependant pas, en raison de sa préférence pour Polynice, à offrir à tous ses enfants l’assurance nécessaire pour affronter leur destin, et les visages différents qu’elle revêt pour ses fils prouvent les dysfonctionnements familiaux. La guerre civile actualise tragiquement la rivalité des jumeaux pour obtenir l’amour de Jocaste, et c’est finalement le sacrifice d’Antigone qui permet la réparation des injustices maternelles. La jeune fille offre à ses deux frères une digne sépulture, et les réunit dans une tendresse égale. La réécriture de Bauchau souligne ainsi la richesse interprétative du personnage mythique, dont les invariants illustrent les questionnements et les préoccupations du romancier et psychanalyste belge, comme la quête identitaire et la résilience.