Jean-Philippe Toussaint : La disparition du paysage et la brachylogie du manque
Abstract
Le soliloque qui constitue La disparition du paysage de Jean-Philippe Toussaint est de toute évidence un discours sur le manque. Le je-narrateur, sorti d’un coma à la suite d’un attentat qui le laisse immobilisé dans un fauteuil roulant, passe sa convalescence à Ostende, où il souffre d’amnésie. Il tente de regarder l’horizon depuis la fenêtre de sa chambre, n’arrivant pas à percer le brouillard qui opacifie sa conscience (d’écrivain) ainsi que la plage (de la littérature) à cause des travaux de construction d’un bâtiment qui lui bouchent la vue.
Il s’agit de « lointaines évocations littéraires qui affleurent à la surface de [s]a mémoire blessée, éparse et dissociée » qui habitent ce je-narrateur, qui apparemment « ne manque de rien », mais, en réalité, manque de tout.
Conçu pour une représentation théâtrale, ce texte a été ensuite retravaillé pour se fictionnaliser, stigmatisant ainsi, par cette torsion, un je-narrateur prisonnier d’un présent immobile, manquant de passé et de futur.
La disparition pose davantage le problème du régime duel de la présence et de l’absence dans le manque même. Par les nœuds conflictuels que le manque tisse avec les biais de la représentation et de la narration, les œuvres toussaintiennes viennent poser la problématique de ce mouvement oscillatoire.
Cette étude se propose d’analyser le fonctionnement des formes de manque déclinées dans ce texte et les dispositifs narratifs de cette fiction « chimère » et « métaphore », mais sans pour autant oublier sa valeur brachylogique de parabole plurielle de la production romanesque de Toussaint porteuse de manque : accident, voire imprévu et disparition.